“Bienvenue, fais comme chez toi.” Une expression courante qui parait sans conséquence au premier abord, mais qui est, en réalité, chargée de sens. Partager son chez-soi relève de l’intime. On n’invite pas n’importe qui dans son logement, encore moins leur proposons-nous de s’approprier notre espace.
Bienvenu.e.s, le thème du tremplin de cette année, traite tout autant du bien-être personnel, notre chez-nous, que du partage et de l’accueil chez soi de nos invités.
Mais avant de parler du chez-soi, que-ce que l’habitat ? Vous vous en doutez, il ne s’agit pas simplement de quatre murs et d’un toit qui nous protègent des intempéries.
L’habitat : une question de culture
Amos Rapoport est architecte et co-fondateur du groupe EDRA (Environmental Design Research Association), qui se consacre à l'étude des relations entre environnement bâti et comportement humain. Il avance dans ses études l’idée que nos logements ne sont pas simplement le fruit des conditions climatiques ou économiques.
La culture est, selon lui,
un facteur primordial dans la construction de nos maisons, de leur extérieur comme de leur intérieur.
Dans son étude
“Pour une anthropologie de la maison”, il explique que les “besoins fondamentaux” de chaque société sont établis en se basant sur sa culture. Chacune définit l’intimité, le niveau sonore toléré, ou encore la place de la femme et de la famille selon des valeurs précises, qui influent ensuite sur la forme de l’habitat et son organisation.
Ainsi,
nous percevons et construisons notre habitat avant tout à travers un prisme défini par la société dans laquelle nous avons grandi et dans laquelle nous évoluons.Edward T. Hall compare, dans la
Dimension cachée, différentes cultures et leur notion de l’espace privé et public. Au Japon, les panneaux amovibles qui font office de murs, permettent de modifier l’habitation. Une pièce fermée peut d’un coup de main s'agrandir ou s’ouvrir sur l’extérieur. En Europe, en revanche, les espaces sont plus délimités avec des murs fixes. Vous ne percevrez donc pas votre logement de la même façon si vous habitez au Japon ou en France. Votre pièce française sera plus statique, plus définie. Au Japon, elle évoluera au fil de la journée. Cela déterminera tout autant l’aménagement des pièces, que votre ressenti lorsque vous vous y trouverez.
L’appropriation du logement ne se fera pas non plus de la même façon d’un pays à l’autre. Les traditions et les habitudes jouent ici un grand rôle. En Chine, le feng shui est un art d’agencement des intérieurs selon les circulations des énergies, dont le but est d’harmoniser le logement. Au Japon, on dort dans une pièce à plusieurs sur des futons. Cela pousse à réfléchir sur le concept de l'intimité. Aux Etats-Unis, les cuisines ouvertes sur d’autres pièces, notamment le salon, sont plus communes. Vues, par certains, comme plus conviviales, elles permettent à l’hôte de discuter avec ses convives, en finissant les préparatifs d’un repas, par exemple. Alors que dans d’autres cultures, l’invité ne doit jamais se préoccuper de la cuisine et ce qui s’y passe.
Des habitudes qui vous paraissent normales, en disent beaucoup sur votre culture et peuvent être incomprises par d’autres.
Si vous avez grandi en France, mais habitez à présent au Mexique, vous combinerez des éléments de ces deux cultures pour créer un espace qui vous ressemble, qui sera représentatif de vos expériences, qui sera votre chez-vous.
Qu’est-ce que le chez-soi ?
Comment définir le chez-soi ? Est-ce un lieu physique et immuable ? Les objets avec lesquels nous le remplissons ? Les souvenirs que nous y avons créés et que nous gardons soigneusement dans un coin de notre mémoire ? Ou est-ce un concept que nous pouvons importer avec nous où que l’on aille et qui change au gré de nos rencontres et découvertes ?
Le chez-soi est proche de l’habitat, mais ne l’est pas totalement. Là où l’habitat se compose de règles culturelles, le chez-soi touche plus aux expériences personnelles.
Chaque culture et chaque individu appréhendent le concept de chez-soi avec ses propres spécificités. Cependant, les éléments qui le composent sont universels.
Le pôle Habitat de Leroy Merlin a étudié la question et en a déduit que le
“Chez-soi doit toujours être pensé dans son lien avec l’environnement, la culture et les ressources de la personne”.
Les experts identifient ensuite trois dimensions dont la rencontre est essentielle dans la création du chez-soi :
- “celle de la personne qui se déploie dans le temps” : à la fois ses souvenirs passés, ainsi que ses perceptions dans et de son espace actuel.
- “celle de l’espace lui-même” ;
- “celle des objets qui meublent cet espace”.
Le chez-soi dépend donc quelque part d’un lieu physique, mais qui peut changer. Les objets qui nous tiennent particulièrement à coeur sont également une composante importante. Pour certains, c’est une bibliothèque qui leur est indispensable pour se sentir chez eux, pour d’autres, ce seront des plantes vertes ou l’horloge héritée d’un membre de la famille.
Le chez-soi repose sur des critères qui se basent sur nos expériences et nos besoins et varient pour chacun de nous. Réunis, ils nous permettent de créer un sentiment de bien-être.
Le bien-être : élément central du chez-soi
L’idée du bien-être est centrale au concept du chez-soi.
Jean-Claude Kaufmann, sociologue chercheur au CNRS et spécialiste de l’intimité et du chez-soi, explique : “L’individu-sujet veut inventer sa vie lui-même et ressentir et exprimer au maximum son bien-être, ses projets, ses rêves. Le lieu, la base, de ce mouvement, de ce désir et de cette volonté, c’est le chez-soi.
Quand on franchit la porte de la maison, il se passe des choses : on entre dans un autre monde, on est une autre personne. Chez-soi, c’est la quête du bien-être qui est absolument essentielle.”
Il divise ensuite la quête du bien-être en deux niveaux. Le premier concerne la sécurité, physique et mentale. Nous voulons être à l’abri chez-nous, protégés d’agressions extérieures. Le deuxième est dédié au domaine des sensations avec la « quête et l’accumulation des petits plaisirs sans risques ».
Nous savons tous vaguement que les couleurs impactent nos humeurs et nos réactions. Les formes et les matières le font également. Mais un objet n’est jamais juste une couleur, ou une forme, ou une matière. C’est un ensemble de ces éléments. Pensez à votre chez-vous. Combien de formes, de couleurs et de matières cohabitent ensemble ? Quels effets ont-ils sur vous ? Pourquoi les avez-vous choisi ? C’est cette quête de petits plaisirs sans risques, animée par les cinq sens, qui vous pousse à faire un choix plutôt qu’un autre.
Les sensations prennent une place de plus en plus importante dans nos logements au fur et à mesure que nous en prenons possession. Des pièces lumineuses, des textiles doux, des couleurs harmonieuses, une bonne isolation des bruits extérieurs dérangeants ou encore le parfum de fleurs fraîches, autant d’éléments qui peuvent changer notre perception de notre habitation du tout au tout. Et une fois que nous nous sentons bien chez nous, nous avons envie d’en faire profiter les autres.
Un chez-soi accueillant
Ce sont les petites choses et les petites attentions qui permettent à vos invités de se sentir bienvenus. De la porte d’entrée, qui incite les voisins à venir faire connaissance, à la salle à manger où un invité surprise trouvera toujours une chaise en plus, le mobilier et l’aménagement sont le reflet de la convivialité de l’hôte.
Vouloir partager son chez-soi est naturel, mais il ne faut pas oublier les besoins de ceux que nous invitons. Les personnes en situation de handicap, les seniors, les enfants ou encore les animaux nécessitent des dispositions ou des aménagements spécifiques.
Une carte en braille à l’entrée pour aider à se repérer, un porte-canne prêt du lit, un nichoir sur le balcon… Ces éléments complémentaires peuvent maximiser le confort de tous vos proches. Au-delà des nécessités physiques, nous signalons ainsi à nos convives que nous les prenons en considération.
On n’accueille d’ailleurs pas partout de la même façon. Si en France, l’apéro est devenu une institution, dans les pays d’Asie Centrale, c’est le thé qui vous sera proposé avant tout.
Pour accueillir, il ne suffit pas de dire “fais comme chez-toi”, il faut permettre à ceux que nous accueillons de se sentir réellement confortables, même lorsque l'invité est un chat.
Bienvenu.e.s se penche sur les subtilités qui rendent notre quotidien plus doux, sur les ingrédients qui mettent nos convives à l’aise. Bienvenu.e.s cherche à mettre l’habitation et ces éléments au service du bien-être de ceux qui l’occupent et ceux qui la visitent. Un thème qui met la bienveillance au coeur de la maison.
Retrouvez nos inspirations liées au thème de cette troisième édition du tremplin Jeunes Talents, sur Pinterest !